Englishman in Provence

Ce post est une traduction de l’anglais de l’article écrit par Mark Webster et publié le 2 janvier 2013 sous le titre : Futile Utile : Lure 2010. Je l’ai traduit car je le trouve juste et touchant. Merci à Mark d’avoir autorisé sa publication ici. Original sur le très bon site de Free Art Bureau : http://freeartbureau.org/fab_activity/lure-2010/

 

« En août 2010, on me fit le plaisir de m’inviter aux Rencontres internationales de Lure, qui se tiennent dans le charmant village provençal de Lurs. C’était ma première fois, et je ne savais trop qu’attendre de ce rassemblement annuel organisé par une association d’apparence modeste. À en lire le peu d’information que je trouvai, Lure allait sans doute faire parent pauvre parmi les étincelants festivals auxquels mon travail de journaliste m’avait accoutumé. Ma seule vraie source directe était une collègue travaillant à Paris pour un magazine de graphisme. Elle avait relaté poliment son souvenir d’une réunion de dinosaures qui bouclaient leur semaine par une partie de pétanque arrosée au pastis. Sa description me fit sourire illico. Je sentais que je pourrais trouver ma place dans le tableau. Derrière cette image, Lure restait un mystère perché sur un rocher cerclé d’oliviers et de champs de thym séchés par le soleil.

Arrivant en pleine chaleur dans ce qu’on ne peut que décrire comme un coin pittoresque et assoupi du Sud de la France, il me devint évident que je n’allais pas assister à un show de conférences projetées sur écrans géants, ni même faire trempette dans la piscine du coin avec des festivaliers réjouis. Bien qu’ayant croisé quelques sourires, tout cela me semblait bien discret tandis que je posais mon sac au café et commandais à boire. Avec mes chaussures bleues éclatantes et mon pantalon à carreaux, je présentais une ressemblance avec un touriste égaré qui aurait été croisé avec un chef de cuisine du futur. Mais que faisais-je donc là ?

Trois jours plus tard, j’étais de retour à Paris. Ce qui s’était passé durant ces trois seules journées avait profondément changé ma vie. Rien de dramatique, hein, je n’avais rien perdu, il ne s’était rien passé de particulier, elle n’avait pas dit non, pas de mort, ni de meurtre. Je rentrais d’ailleurs intact sans ecchymose ni cicatrice… Humour british mis à part un instant, il faut reconnaître que les événements qui peuvent apporter de tels bouleversements dans notre compréhension de la culture et notre vision du monde sont très rares. Et aller à Lure en est un.

Les Rencontres de Lure le font bien depuis une soixantaine d’années. Ce sont le plus ancien événement du genre, sans doute le seul du fait de sa singularité. Lure rassemble plusieurs événements en une semaine, et le fait avec plus de bravoure qu’un Houdini qui s’échapperait d’une boite de baked beans géante. L’idée force s’y agrémente d’un mélange éclectique d’interventions, fascinantes tant elles sont à la fois distrayantes et surchauffées ; Lure attire une foule fidèle de typophiles, de fanatiques de lettres et de culture. Un groupe soudé de tous âges échangeant sans relâche et toujours avec une sincérité profonde et un grand respect.

Je ne citerai pas les intervenants de talent qui ont l’honneur de franchir le seuil de la Chancellerie, cette petite ambassade de la lettre, où l’on s’installe en ouvrant grand les yeux, l’esprit et le cœur. Ni les personnalités rayonnantes qui ont créé et prolongent, de génération en génération, ce qui est clairement un mouvement d’une grande importance culturelle. À Lure, le champ des sujets traverse la philosophie, la littérature, les arts visuels, vivants et sonores, le graphisme, la typographie, la sociologie, la politique ou la psychologie. Le langage et la lettre écrite sont sans doute ce qui les relie. Et cela n’est qu’un éclairage possible sur ce qui se passe à Lure.

Lure n’est pas un festival, ce n’est pas une sortie pour fans de culture, on n’y chante pas les louanges des dieux et déesses contemporains ni de l’âge d’or. Lure est un lieu de rencontre ouvert à tous, en quoi nous sommes tous égaux. C’est un espace physique et mental forgé pour qu’y surviennent l’échange et l’enrichissement mutuel. C’est une expérience et comme pour l’art, une expérience de l’ensemble des sens.

Depuis 2010, je reviens à Lure, je suis un jeune passant, peut-être même une modeste recrue, un cadet en chaussures bleues qui a fini par se prêter à la clôture traditionnelle en 2012. Ce lancer de boule d’acier sous la voûte étoilée tout en sirotant le nectar local, activités qui aident à la transmission des traditions ancestrales et des espoirs à venir. »

 

Le Rendez-vous de Lure

Et pour en savoir plus sur les Rencontres de Lure : http://delure.org/-A-propos-.html