Dystopies familières

François Houste est un type formidable : non seulement il a du talent et de la finesse, mais en plus travailler avec lui est un grand plaisir. C’est sans doute pour cela qu’il inaugure la collection fictions de C&F éditions ;-)

Mikrodystopies, ce sont des moments volés au futur (un futur si présent), des situations, plus que des histoires, qui montrent les humains confrontés à leur devenir-machine, les algorithmes face à des dilemmes humains trop humains, les robots désireux de se faire une place dans l’humanité, bref, un joyeux méli-mélo de notre quotidien techno-futur. 320 fragments de vies, tous limités à 280 caractères – pas un de plus – un exercice de style inspiré et stimulé par Twitter où le compte @mikrodystopies poursuit ses explorations. Le ton est toujours aigre-doux, plein de finesse, d’humour aussi. Quant au désespoir, n’est pas une injonction, il est laissé à la discrétion du lecteur, qui affichera d’abord bien souvent un sourire.

Le livre, lui, s’est composé avec beaucoup d’harmonie dans les échanges : sélection de petits fragments, ajouts, retraits (quand on ressentait des répétitions à la lecture), déplacements, corrections, choix du caractère (le magnifique faux monospace Attribute Text de Viktor Nübel) et mise en forme (la composition est centrée, et rythmée manuellement, ligne par ligne, imitant une diction, réalisée avec Sophie Harris) ; tout cela se faisait avec décontraction et une vraie complicité auteur-éditeurs. La couverture finalement choisie représente comme sur la vieille VHS du salon, cette faculté d’avance-rapide-jusqu’à-la-fin que nous procure le livre.

Mais j’avais en tête une série de photos depuis un moment, cela a été l’occasion de passer à l’acte. L’idée en était : produire « à la maison » et sans effets de retouche, ni collages impressionnant, ni équipements futuristes, des images mettant en situation tous ces messages numériques qui nous confrontent aux erreurs systèmes, illegal arguments et autres plantages, violations des termes, acceptation de conditions abusives ; bref, à la régulation de nos vies par les logiciels depuis que « Code is law ». J’ai donc profité de l’occasion pour acquérir un nano projecteur à trois sous que j’ai rendu complètement myope en lui collant deux bonnettes. Puis j’ai préparé des messages que nous avons pu projeter, avec l’aide de ma fille, sur les jouets, murs, objets de la maison, ou même sur notre propre peau, comme s’ils étaient animés de facultés interactives nouvelles, irrigués de silicium. Avec un peu d’imagination, bien-sûr. C’était amusant de se contorsionner avec tout cet équipement dans des petits coins de la maison. J’ai aussi pu faire quelques images chez ma mère, dont l’intérieur n’a vraiment rien de techno, et lui proposer ainsi une belle mise à jour. Bref, on était vraiment dans le quotidien familial, tout près des récits de François Houste.

Je me retrouvais avec une série de 11 images finales, sombres mais familières, qui ont rapidement trouvé leur pendant dans les Mikrodystopies. Plus que des illustrations strictes, cela composait des paires harmonieuses, que nous avons mises en valeur dans certaines doubles pages du livre.

Techniquement, nous souhaitions aussi conserver le lien entre le fragment et le tweet d’origine sur le compte @mikrodystopies. Chaque fragment a été numéroté, et l’auteur a bien voulu nous transmettre l’URL du tweet originel. Avec cette table des tweets utilisable en ligne, il était ensuite possible de conserver un lien entre la version imprimée et son pendant en ligne, par exemple pour réagir, retweeter ses préférés, etc.

Nous avons aussi imaginé d’autres possibilités, comme celle de proposer aux lecteurs et lectrices de produire leurs propres mikrodystopie, en texte ou en image, cela va se passer ici très prochainement https://cfeditions.com/mikrodystopies/

François Houste, Mikrodystopies,
C&F éditions, 15 €
ISBN 978-2-37662-011-2
Extrait gratuit et achat : https://cfeditions.com/mikrodystopies/

À noter : l’auteur dédicacera son livre à l’occasion d’un pot de parution à Paris -> jeudi 24 septembre, entre 18h30 et 20h, au 28 rue de Lagny, 75020 Paris. Apéro, masques et gestes barrières en prime.