Fiction typographique

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« Swindon, Essex, Angleterre, c’est là que je suis née et que j’ai vécu jusqu’à mon départ chez les détectives littéraires à Londres. J’y suis retournée dix ans après et j’ai épousé mon ex-petit ami, Landen Parke-Laine. Lequel a été par la suite assassiné à l’âge de deux ans par le groupe Goliath, décidé à me faire chanter. Ils ont réussi : j’ai accepté de les aider… sans que mon mari me soit rendu pour autant. Bizarrement, j’ai gardé son fils, mon fils Friday – en vertu d’un de ces étranges paradoxes temporels que mon père saurait expliquer, mais pas moi. Deux ans plus tard, Landen était toujours mort, et si je ne réagissais pas, il risquait de le rester définitivement » Thursday Next, Ma vie chez les OpSpecs.

Voici une mine de créativité et d’idées typographiques (ou liées au dispositif matériel du livre, auquel on connaît mon attachement, surtout depuis que je connais Michel Melot). Il s’agit de la série des aventures de Thursday Next, romans de Jasper Fforde (traduits de l’anglais), qui se déroulent au sein même des livres. De la fiction en abîme.

Romans perdus entre polar et science fiction, assez légers mais extrêmement inspirés et plutôt bien traduits. Quel dommage qu’aucun de nos sérieux auteurs de ce côté de la manche ne nous propose une telle promenade dans le corpus littéraire francophone ! Il faut dire que Jasper Fforde ne vient pas du monde des lettres mais de celui de l’image, ce qui n’est sans doute pas pour rien dans la qualité et la profondeur de son regard sur le livre, justement. En tout cas, c’est amusant de découvrir un écrivain en devenir : à l’inverse de bien des séries, les volumes sont à chaque fois meilleurs, le jeu et les possibilités de l’écriture s’y approfondissent.

On trouve en tout cas dans cette série des idées particulièrement réjouissantes et distrayantes comme par exemple, en guise de début d’inventaire à la Prévert :

– un récit qui croise sans cesse des personnages de romans célèbres, – des courses poursuites qui envahissent les romans classiques et qui s’interrompent dès que leur narrateur arrive, pour ne pas perturber son récit, mais reprennent dès qu’il a tourné le dos, – un système de communication par notes de bas de page très efficace, – des voleurs de ponctuation, – des personnages de fictions qui passent dans le réel mais qu’on peut démasquer, notamment parce qu’ils perdent facilement le fil d’une conversation, perdus (comme nous) dans la succession de tirades des très longs dialogues, – une héroïne qui se réfugie dans les notes en bas, pendants que ses ennemis la cherchent au dessus dans le récit principal de la page, – un vyrus orthografique tré danjeureu ki défaurme et détrui tou, – des parasites friands de conjonctions, de verbes ou d’adjectifs, et qui sont très agressifs, – un petit enfant qui parle le… Lorem ipsum sit dolor amet :-) – et mille autres dangers réjouissants qui nous transportent pour de vraies aventures jubilatoires dans le monde des livres. Cette énergie est formidable. Je recommande très chaleureusement… (pour commencer : ISBN: 2264042079) et j’y retourne, puisque le 5e volume, intitulé comme il se doit « Le début de la fin », vient de paraître chez 10/18. [màJ après lecture] Comme le titre l’indique, ce n’est que le début de la fin, car il aura visiblement une suite et fin.

Le site de l’auteur devient un vrai phénomène : http://www.jasperfforde.com/