Infobèse, qui es-tu ?

Où il n’est pas question de cybersexe (quoique) mais plutôt de « feed » en excès. Je sais que je vais manquer de temps pour écrire ici ces temps-ci, il faut que je me concentre sur la typographie et le travail, mais je garde dans ce post quelques notes pour ce qui pourrait être un texte cernant un sujet qui me semble signifiant et qui mitonne depuis trop longtemps. J’écris avec encouragements. Plan et sources dans « Lire plus ».

En gros : Il existe une pathologie qu’on appelle l’infobésité. Elle est le signe de difficultés dans l’excès d’informations que nous sommes en train de collecter en machines. D’un côté un mouvement formidable de numérisation, totalement universel, avec énormément d’intelligence, de génie, de créativité à l’œuvre, ne serait-ce que pour appréhender ces masses de données. Le fait : nous sommes tous engagés dans un processus d’apprentissage et de constitution d’intelligence artificielle. De l’autre l’inquiétude, un genre de panique qui dessine une anti-utopie menaçante, façon Matrix en sérieux. Est-ce cette déchirure qui est derrière les petits malaises quotidiens de l’homo numericus, et dont l’infobésité est le signe ?

1 L’infobésité.

J’ai été frappé au cours de l’année passée (et même plus, avec pas mal de traces dans ce blog) par un certain nombre d’informations sur internet que je regroupe ici de manière un peu brutale, il faudrait lier. Le point de départ pourrait être le concept d’infobésité, qui vient du québec et décrit une quasi-pathologie liée à l’excès d’information (vous sentez un peu de quoi il peut s’agir non ?) Évidemment sont proposées des méthodes pour « optimiser », « trier », mieux vivre dans l’information etc. Mais ce qui me semble intéressant, ce sont les symptômes associés (stress, fatigue, parfois dépression).

http://culturetic.canalblog.com/archives/2005/10/10/876485.html http://www.radio-canada.ca/branche/v6/175/infobesite.html

Le concept anglo-saxon est celui d' »information overload » http://www.acm.org/crossroads/xrds1-1/mnelson.html http://en.wikipedia.org/wiki/Information_overload

Tout récemment, libération publie sur un autre aspect, la dépendance au réseau et baisse de sociabilité et même de libido associée : http://www.ecrans.fr/Internet-avant-les-amis-et-le-sexe,2147.html

Voilà qui ferait, disons, un point de départ.

2 Tout en ligne

Ensuite on pourrait suivre deux pistes :

a) d’un côté constater simplement avec tout le monde l’accélération de la numérisation universelle : Les livres, bien-sûr (Gallica, Europeana, google books, etc.) mais aussi le savoir global (wikipedia) ou en exhaustivité par branches (http://www.livinghuman.org/ ou librairie du vivant http://www.eol.org/ etc.) Et l’ensemble des activités avec la blogosphère dans sa richesse, et tout le web « social » Orkut myspace LinkedIn Facebook flickr avec ses formes caricaturales : twitter (je fais quoi, maintenant) et second life etc. Là on enfonce des portes ouvertes, mais on fait un tour

b) de l’autre, cette masse inouïe d’information est bien radicalement nouvelle puisqu’y naviguent quelques inventeurs qui en sont à tenter de proposer des solutions de visualisation, d’exploitation, d’interprétation de toutes ces masses de données non standard puisque touchant tous les aspects du savoir, de la création, des sentiments, de la vie quotidienne, etc. et sous la forme de tous les médias (texte, image, son, vidéo). Bref, il faut même repenser les interfaces d’accès à ce complexe là

Par exemple le « we feel fine » de Jonathan Harris qui représente les sentiments et humeurs des blogueurs avec virtuosité et humour, en les reliant à des informations météorologiques.

http://www.ted.com/index.php/talks/view/id/144 http://www.wefeelfine.org/ (java requis) http://www.number27.org/

Ou encore, des exemples issus de « visual complexity » http://www.visualcomplexity.com/vc/

3 Mais que se passe-t-il vraiment ?

On peut bien entendu s’inquiéter par exemple du pouvoir de Google, les articles à ce sujet sont innombrables, notemment concernant la politique de google sur les données personnelles, mais aussi, tout simplement sur l’affirmation de leur vocation à « organiser l’information du monde », tout en devenant la première firme publicitaire du monde. voir Epic 2014 déjà cité ici et le Scroogled de Cory Doctorow (dont la traduction serait en cours chez C&F éditions :-) http://www.radaronline.com/…

mais ce qui semble plus intéressant, c’est le constat que nous sommes en train, avec l’hypertexte et le web sémantique, de transférer très rapidement notre culture et notre intelligence (Pierre Lévy, Michel Serres) aux machines. Pas uniquement les données, mais les LIENS entre les données. Et ça c’est spécial.

4 The machine is Us/ing Us

Le chercheur américain Michael Wesch présente dans ce film (présenté en haut du post) qui commence une histoire de l’hypertexte un phénomène d’apprentissage (au sens strict) accéléré.

http://www.fluctuat.net/blog/4880-The-machine-is-Us-ing-Us http://www.youtube.com/watch?v=6gmP4nk0EOE réponse du chercheur Michael Wesch à une vidéo sur le web 2.0 http://www.youtube.com/watch?v=nsa5ZTRJQ5w

Et là les choses deviennent plus troublantes. Que sommes nous en train de faire, tous, en permanence, sur le réseau que nous pensons utiliser et qui de fait, nous utilise au moins autant que nous le faisons ? (Par exemple, en pensant utiliser un moteur de recherche, je lui donne plus que je ne lui prend, je lui apprends les meilleurs résultats que je choisis, etc.)

Alors évidemment il y a les enthousiastes, les pragmatiques, les réactionnaires, mais entre tout ça il y a une histoire qui se trame.

L’infobésité (stress, fatigue, dépression) prend un autre sens, celui d’une résistance. Voir aussi l’étude de British télécom sur les récalcitrants citée dans l’article Comprendre pourquoi les gens ne veulent pas d’internet

On n’en serait plus ici à la simple protection de la vie privée face à la malveillance individuelle ou aux abus de pouvoir, mais dans un mouvement de fond, d’une sorte de dépossession de fait, dont les acteurs, les enjeux restent assez flous.

5 Dystopie

Le moment de revenir quelques années en arrière, quand Bill Joy, fondateur de Sun, inventeur de TCP, Java, Vi, une pointure, arrête tout et dit pourquoi il a peur de la convergence Intelligence artificielle – robotique – nanotechnologies, qui conduit plus ou moins à une menace sur notre espèce dans wired.

Bill Joy http://fr.wikipedia.org/wiki/Bill_Joy article wired http://www.wired.com/wired/archive/8.04/joy_pr.html traduction française http://lanredec.free.fr/polis/joy_fr.html un article sur l’impact de son papier dans Wired Un visionnaire qui prend de la hauteur http://www.info3.de/ycms/artikel_298.shtml

Évidemment, Unabomber aussi.

Dystopie et néoluddisme http://fr.wikipedia.org/wiki/Dystopie http://fr.wikipedia.org/wiki/Luddisme

D’un côté, donc, un mouvement formidable de numérisation, totalement universel, avec énormément d’intelligence, de génie, de créativité à l’œuvre. De l’autre l’inquiétude, la panique qui dessine une anti-utopie extrêmement menaçante. Est-ce cette déchirure qui est derrière les petits malaises quotidiens de l’homo numericus, dont l’infobésité est le signe ?