Regards sur mon quartier

Je viens de terminer la réalisation d’un petit livre que j’aime beaucoup, plein d’énergie, d’humour et de poésie spontanée, dans lequel un groupe d’enfants de 6 à 11 ans habitant à la Grande Borne à Grigny (Cité très particulière de l’Essonne conçue par l' »utopiste » Émile Aillaud) raconte son quartier, son histoire, ses œuvres d’arts, sa vie quotidienne, ses transformations en cours. Autre chose que la guerre des cités omnimédiatisée.

Pour le livre, j’ai tenter de réaliser un « tissage » en reprenant les choses à l’envers : choisir les images, les mots, les placer en surimpression, leur donner de la résonance, surtout sans trahir le regard des enfants, et en respectant le travail des adultes qui les ont accompagnés, mais en leur donnant également à voir des échos de leurs images et de leurs mots, comme amplifiés, à même de les surprendre à nouveau. Pour La Grande Borne et pour ailleurs (suite après les images).

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Synesthésie : un regard, c’est déjà une prise de parole. Animisme : tout peut parler pour qui sait regarder, avec un petit clin d’œil à la BD…

Quelques notes extraites du dossier… À l’initiative de l’équipe de rénovation urbaine de cette immense cité, dans le cadre du Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité (CLAS), les enfants sont partis à la découverte de leur quartier avec un jeu de piste. Puis ils ont mis en forme leurs impressions et leurs réactions lors d’un atelier d’écriture sur le thème « ce que j’aime et ce que je n’aime pas dans mon quartier ». Enfin, ils ont pris des images de leur quartier à l’occasion d’un safari photo, et les ont sélectionnées pour illustrer leurs découvertes. L’œuvre reste d’abord celle des enfants de la Grande Borne, quartier singulier de la ville de Grigny. Ils l’ont arpenté durant l’hiver 2009, près de 40 ans après sa conception par un architecte pas tout à fait comme les autres, Émile Aillaud, qui voulait bâtir une Cité des enfants.

La cité des enfants

Dans les années 60, la France se couvrait de barres et de tours de logements toutes semblables. Emile Aillaud a construit des ensembles de logements sociaux et économiques différents. On a parlé d’architecture poétique, mariant formes et courbes, couleurs gaies et œuvres d’art.

Cet architecte urbaniste (1902-1988) fut en effet un partisan de l’architecture poétique et culturelle dont l’œuvre vaste et incontournable connaît encore aujourd’hui une grande notoriété : le quartier est souvent visité (architectes, urbanistes, étudiants, artistes). Il a imaginé, à la fin des années 60, une ville à partir de rien qui a reçu en 2009 le label régional de Patrimoine du XXe siècle. Plasticiens, coloristes et sculpteurs ont conjugué leurs talents, aux côtés d’Émile Aillaud, pour mettre en harmonie le bâti et les œuvres d’art. Ils furent accompagnés par des ouvriers carreleurs dont le savoir faire contribua à une réalisation originale. Sculptures, peintures mosaïques, trompe l’œil ornent encore pelouses et pignons. Au fil de la marche, obélisques et fruits posés au sol.

L’ensemble pourrait ressembler à un grand coquillage tel un lieu de vie protégé. Les premiers occupants, familles d’ouvriers et d’employés venant souvent d’un habitat insalubre, ont trouvé à la Grande Borne de bonnes conditions de logement : appartements vastes, confortables et bien éclairés, grands espaces verts et aires de jeux, commerces diversifiés. Mais l’utopie de l’architecte a fini par se heurter à la réalité. Des désordres du bâti ont mobilisé les locataires qui ont obtenu une première réhabilitation dans les années 80. On a alors isolé les bâtiments avec de la laine de verre et des ardoises colorées. Malheureusement, cette « deuxième peau » s’est avérée fragile : ardoises brisées, laine de verre favorisant les nids de pigeons. La dégradation continuait. La réalité, c’est aussi celle de la société, ses crises économiques et sociales, la mondialisation, le chômage et la précarité… Quarante ans après sa construction, la Grande Borne fait l’objet d’un très important programme de travaux.

De l’espoir, peut-être. Mince, fragile. Mais l’énergie des enfants est là. Les adultes ont intérêt à être à la hauteur de leur « Regard ». Le livre sera disponible mi octobre auprès du GIP de Grigny Viry (ISBN en cours sera mis à jour à réception). Une expo est également en préparation pour cette date. Mise à jour :

Une petite image en mode reportage de l’exposition au centre de la vie sociale (photo Ville de Grigny). image