En plus d’être une menace pour les producteurs de contenus sur le web, l’industrie du cybersquattage pourrait aussi menacer les mémoires de l’Internet. On a récemment parlé des déboires de Thierry Puyfoulhoux avec son site internet (Thierry Puyfoulhoux est de longue date le fournisseur officiel et amical et gracieux des typographies des Rencontres internationales de Lure pour leurs publications). Il avait oublié de renouveler à temps le nom de domaine http://presencetypo.com qui a été entre temps squatté et a préféré se replier sur http://www.presencetypo.net plutôt que de passer à la caisse du chantage. Cette petite note relaye donc aussi cette information utile, avec une remarque supplémentaire, puisque je connaissais bien la pratique du cybersquattage, mais en découvre de nouvelles implications.
Le travail mené depuis quelques temps avec des services d’archives en ligne (http://hanzoweb.com ou http://europarchive.org) m’a amené à m’interroger sur les usages possibles de ce type d’archives, afin de penser (collectivement bien entendu) des outils et des interfaces adaptées aux scénarios d’utilisation de ces services. Je n’avais pas imaginé que les archives internet fournissaient un support au chantage pour les cybersquatteurs. C’est ce que j’ai découvert en allant rechercher ce qu’avait fait le squatter de Puyfoulhoux.
D’ordinaire, les squatters achetaient des noms en masse, avant ou après une première utilisation non renouvellée, et les rabattaient sur des pseudo portails de recherche, ou sur des images disons dénudées, ou, plus drôle parfois, sur le principal concurrent direct, dans le cas d’un nom correspondant à une institution ou entreprise connue (france2.com par exemple a du passer par tous les stades). Le but du jeu est évidemment de les revendre au plus offrant et de faire un maximum d’argent. Avec presencetypo, je découvre que le chantage se fait beaucoup plus direct et précis puisque le squatter a profité de la négligence du propriétaire du domaine, pour se glisser pour un an comme propriétaire du nom, et renvoyer non pas sur un pseudo portail mais sur l’archive même du site tel qu’il était avant son intervention ! Ainsi, http://presencetypo.com propose désormais un écran « fantôme » anglophone reprenant le visuel de Puyfoulhoux (ce qui serait d’ailleurs un moyen de l’attaquer) et renvoyant à la capture par Internet Archive du site (en 2005) qui est accessible ici.Évidemment ça semble « moins pire » que les pratiques anciennes, mais ça reste odieux, puisqu’il s’agit toujours d’un squatt et d’une image figée du site à un instant T, privée de sa vie et de son actualité.
Ce nouvel usage des archives est évidemment assez périlleux, puisqu’il ne s’agit plus du tout de « fair use » mais clairement d' »unfair use », et qu’il fait des services d’archives, autant tolérés que méconnus, des tiers potentiellement impliqués dans des situations litigieuses et des échanges de papier bleu. Il est probable qu’au mieux, les auteurs de sites et d’images leur demanderont de ne plus diffuser leurs images et contenus de l’ancienne adresse (ce que pourrait faire Thierry Puyfoulhoux excedé s’il renonce à son ancien nom). En prévision et en prévention, il va certainement falloir que les archives prévoient un avertissement spécifique pour les domaines squattés.