Lieux défendus

image Pas du nouveau, mais après plus d’un an, je reviens sur le site Forbidden Places du photographe explorateur Sylvain Margaine, et qui est vraiment (et toujours :-) remarquable. Et j’ai envie d’en dire un mot.

Bon. Des visites clandestines de lieux à l’abandon. Les cataphiles ne m’intéressent pas vraiment. Mais la démarche de Margaine, oui pourtant. Ses images ? Elles sont souvent superbes. Vides et pleines. Dépouillées et pourtant regorgeant de détails. Lumineuses dans l’ombre. Géométriques d’architecture. On se projette immédiatement dans le lieu. On sent de trop. En même temps ému d’avoir la chance de pouvoir voir ce qui ne doit pas être vu, puisque délabré, abandonné, et fermé (avant une « réhabilitation » ?), mais qui n’était guère plus visible avant, du temps de leur « splendeur », puisque ces lieux étaient par essence fermés, pour la plupart. Si j’ai bien compris, c’est un peu dans cet esprit (et avec un rien de courage ;-), que le photographe (et ses associés) opèrent. Une entre-ouverture respectueuse, « sur la pointe des pieds ». Paradoxe de la ruine : ses images sont tellement habitées.

Il y a parfois quelque chose de morbide dans ces explorations et ces cadrages de lieux étranges, surtout quand on y trouve les traces, instruments et lieux de la coercition ou de la violence (les hôpitaux psychiatriques du XIXe sont édifiants). Édifiants ? Terrifiants. Mais il y a aussi quelque chose de profondément romantique (ce romantisme qui a si bien exprimé la fascination de la ruine, la « tragédie du paysage », la beauté de la violence), et qui me fait aussi penser aux visions fantastiques d’Hubert Robert. Le XIXe et le XXe siècle disparus laissent l’échelle industrielle, les machines, le positivisme. Un univers dont les ruines sont incroyablement évocatrices. Avec une différence. La modernité est passée par là. En Europe, et en Amérique aussi. Quel romantisme après la modernité ? le voici dépouillé, revenant et révélant une âme difforme, aux différents degrés de monstruosité. L’envers de la modernité. Fascinant.

En approfondissant un peu les recherches, je vois qu’il y a pas mal d’articles sur « l’exploration urbaine », alors si le sujet vous intéresse, vous les trouverez. Quelques autres liens, aussi, mais le site http://www.forbidden-places.net, je le dis encore, est bien au delà du simple frisson adolescent de la transgression à pénétrer dans des lieux défendus, il l’est par ses compositions et aussi son approche documentée qui l’éloigne définitivement du simple « chasseur d’images ». Il a quelque chose d’universel. Unheimlich, disait-on. Ce monsieur ne le sait pas encore, mais il viendra parler à Lurs, c’est sûr :-)

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http://www.forbidden-places.net/ http://www.residues.net/ http://www.explo-alternative.fr/ http://www.abandoned-britain.com/