Notes d’electure 2 : le livre

Je continue, ce sont des notes donc parfois sans pertinence, parfois (souvent sans doute) trop schématiques. Bref, des mélanges.

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¶ En y repensant, mes sources de prédilection sur le livre et la lecture : Jan Tschichold (Livre et typographie) pour la compréhension et la construction de l’objet, François Richaudeau, également, pour la philosophie générale de la lecture et de sa pratique, ainsi que Michel Melot (avec qui nous avons publié Livre,), pour la médiologie de la chose. J’essaie de ne pas reprendre ici ce que je considère acquis et si clairement exprimé par eux.

¶ De même que la tablette s’oriente d’abord vers les gros lecteurs (littérature générale, essais, pirates). Les livres électroniques (ebooks) mettent l’accent sur la consommation de livres (plus que la lecture, l’échange, la conservation ou même la diffusion). Je n’ai jamais privilégié ce point de vue mais c’est en fait une vieille question (je viens de voir qu’on en parlait à Lurs en 1959). Consommation de livres. Vous souvenez-vous de la publicité avec Gérard Philipe ? on est précisément là. Sauf que dévorer, c’est encore se nourrir.

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¶ Le format PDF est il adapté ? À moins d’avoir été conçu spécifiquement pour un écran donné (et dans ce cas il faut produire une mise en page par variante d’écran), le PDF ne devient vraiment fréquentable pour une lecture au long cours que vers 20 pouces. Sur mon bel écran 30 pouces je peux lire un magazine et même un quotidien en PDF. Mais il pèse 13 kilos et ne tient pas dans mon sac à dos.

¶ Pour le moment, le PDF convient pour une lecture sur ordinateur. Un gros avantage, la possibilité de combiner le mode image, le mode texte, et le mode postscript assez librement. On peut donc accéder à l’image d’une édition originale ou ancienne, tout en ayant une fonction de recherche en plein texte. C’est assez simple à faire. Bref, c’est un bon format pour les beaux livres, les livres dont la forme initiale est de qualité ou importante.

¶ Il y a ici un comparatif des formats existants. Le format ePub de l’IDPF est certainement un bon choix pour nous : il est ouvert, se développe très vite et correspond surtout à nos habitudes de travail et notre manière de raisonner. Il nous paraît donc logiquement devoir s’imposer :-) Les grandes librairies, éditeurs et fabricants l’implémentent en tout cas très rapidement.

¶ ePub est orienté vers le reflow. le Reflow PDF est pour le moment à la fois le seul moyen de lire vraiment un pdf sur tablette, en même temps très imparfait. L’affichage est buggé, les titres courants se baladent dans le texte, etc. Bref, pour lecteurs vraiment très motivés, documents piratés, etc.

¶ ePub fonctionne parfaitement bien en reflow, il faut prendre en compte les variables en amont si possible. Dans son guide des bonnes pratiques epub, Adobe souligne l’importance du chapitrage. Les ouvrages doivent être découpés.

¶ ePub est également particulièrement adapté à la vente en granules (chapitres séparés, un peu comme le fait itunes avec la musique). Ce mode de vente est expérimenté par Nathan mais avec des pdf. Avec ePub, je peux constituer un ouvrage valise.

¶ En revanche, ePub a des limites (spec) que nous devons rendre très nettes par des tests dans toutes les liseuses/tablettes. Il est clair que dès les premiers ouvrages, la bande de perfectionnistes que nous sommes va pousser ce format dans ses retranchements. C’est peut-être bon signe, car cela sera sans doute général et cela signifie qu’il va évoluer rapidement. Frustrations en vue (j’y reviendrai quand je parlerai de la page).

¶ Il faut distinguer des chantiers séparés : le livre (empagement simple qui n’est jamais si simple qu’il n’y paraît avec ses chapitres, notes, indexes, tables, etc.), le livre très formaté (colonnes, encadrés, images, etc.), le magazine, etc. chacun pose des exigence spécifiques. La bande dessinée est un chantier à part. Le découpage visuel fait partie du récit (Scott mac Cloud s’est suffisamment cru obligé de l’expliquer dans ses ouvrages) et les solutions existantes sont simplement hors sujet. Le seul moyen satisfaisant à cette date de lire une BD en ligne : double page (important) sur 24 à 30 pouces.

¶ Il semble bien qu’il existe une taille d’écran adaptée à chaque application. Ce n’est pas pour rien qu’on trouve partout des téléviseurs sur le trottoir en ce moment. Résolution de la tablette dont je dispose (PRS600 touch): 800 x 600 pixels en 167 dpi. C’est peu, même pour du texte.

¶ La typographie du livre électronique commun (libre de droits ou même acheté) ressemble à la feuille de style par défaut du html, donc au niveau de la mise en page nous ramène à peu près au web du début des années 90.

¶ C’est important car, d’un côté la lecture en ligne (du web) nous a donné des habitudes (bookmarking, échange de liens, copier coller, archivage perso plus ou moins fragmentaire et même… impression – si, si). De l’autre, le vrai livre de papier a su (dans ses formes un peu innovantes) se renouveler et s’inspirer de l’hypertexte pour proposer des gloses, navigations, repérages, résumés, etc. Je pense à l’étonnant cours « supérieur » de Gérard Blanchard aux éditions Perrousseaux, mais surtout aux ouvrages MIT Press, par exemple.

¶ Où en étais-je ? Justement, c’est la bonne question. Personnellement je corne les pages des livres. J’y écris aussi, griffonne, etc. J’ai déjà dit ailleurs que l’amour des livres n’a rien à voir avec la déférence. On a ici un chantier en soi : quel statut pour les lectures en cours. Sur le Reader c’est très mal signalé. Il oublie facilement la dernière page lue. Il est assez mono-tâche, mono-livre : qu’en est-il si je lis plusieurs livres en ce moment (c’est très fréquent au fond : un essai, un ouvrage technique, un polar, par exemple) ? j’ai vu d’autres tablettes qui semblent mieux gérer l’avancement « en parallèle » de lectures différentes.

¶ Je sais pas vous, mais moi, j’ai déjà perdu deux fois au moins toute mes annotations, marque-pages et autres traces de mes lectures sur la tablette. GRRR !

¶ Que devient, et même : qu’est-ce qu’un livre lu ? Cette question est extrêmement importante. Fondamentale. Elle détermine au passage les définitions de la bibliothèque, du livre, du lecteur. On peut faire beaucoup de ce côté-là. Une première tentative a été de construire autour du livre un réseau social avec BookGlutton. Moi je n’aime pas les réseaux sociaux actuels. Il y a d’autres choses à faire.

¶ De ce point de vue (mais pas seulement) les DRM sont une épouvantable catastrophe. Bien pire que le papier acide pour le livre physique.

¶ Offrir un livre, prêter un livre, emprunter un livre, citer un livre, feuilleter un livre, dédier un livre, dédicacer un livre, ranger un livre, etc.

¶ Il manque au livre électronique deux choses qu’a le livre : une double page, une tranche et un dos. Bref, trois dimensions. Dans mes présentations de Livre, j’ai toujours insisté sur le fait que si j’ai pu voir des paysages dans les livres, c’est parce que je les avais visités, que j’en avais une mémoire, disons topographique. C’est vrai également pour les idées : le livre donne un lieu à chaque idée ou citation, on peut assez aisément y revenir et la retrouver à l’endroit où elle était. C’est un lieu immense. La recherche plein texte, une barre de progression et l’annotation rapide peuvent-elles y suppléer ? Comment ? D’autres cartographies ?

¶ Pour le moment je n’ai pas su recréer un sens de l’orientation. Un peu comme si on suivait les instructions vocales d’un GPS toute la journée, on devient bête, on perd la vue en survol, le recul que nous donne la cartographie. Si je suis un chemin, suis quelques liens, il est très difficile de revenir quelque part. Il y a bien un historique, pourtant.

¶ Attention à la recherche plein texte. Comme dans le PDF elle peut être inutilisable parce qu’horriblement lente, et surtout sans pertinence. Tout le monde n’est pas Google.

¶ La table des matières est à développer. La placer au début n’est pas une bonne idée car à l’usage, pour l’instant, c’est pénible. Le mieux est de placer au début un lien très clair vers la table et de placer celle-ci en fin d’ouvrage. De toute manière, si le fichier de chapitrage ePub est bien fait, une table est accessible en standard.

¶ Analogie avec le mail en pop ou en imap : les fichiers doivent-ils être locaux ou distants ?

¶ Et si une fois le livre lu et annoté, je pouvais au moins récupérer un fichier imprimable avec les pages concernées et mes annotations, hein ? Et si je l’imprimais et même que je le rangeais dans ma bibliothèque, dans le couloir ? Vous m’en voudriez beaucoup ? Ma bibliothèque est un outil de travail. Y retrouver ces passages importants et mes notes me semble finalement la moindre des choses. Je ne dis pas que c’est tout. En tout cas, d’emblée, les DRM interdisent cela.

¶ Imaginer des allers-retours entre le papier, l’édition papier, et les fichiers.

À suivre… (notes d’electure à venir : page, lecteur, éditeur et librairie, bibliothèque).