Pages publiques

La couverture de l'ouvrage pages publiques

La couverture de l’ouvrage pages publiques

Lorsque nous avons commencé l’année, avec les étudiant-e-s du Master 2 Édition et mémoire des textes de l’université de Caen Basse-Normandie, nous avons imaginé, chose très originale, réaliser un ouvrage. Le groupe était très motivé, ressentant le manque de pratique. La salle d’informatique était neuve, les licences de logiciels en place, on pouvait y aller. La seule chose, c’est que je souhaitais que ce projet trouve un débouché réel, un peu comme une assiette préparée, fut-ce en école de cuisine, doit finir sur une table correctement dressée. Nous allions donc essayer de réaliser un ouvrage de A comme idée originale à Z comme librairie. Je souhaitais également que le étudiants fassent un travail d’édition, et non pas d’auteur. Éditer, depuis l’avènement de l’imprimerie, et donc de produire des multiples à partir de copies manuscrites, c’est choisir, établir, comparer, critiquer, traduire, corriger. Les tâches qui font l’humanisme.

Et nous avons trouvé facilement de nombreux matériaux, dans le domaine public évidemment. Textes, poèmes, lettres, illustrations : un plaisir immense de pouvoir travailler avec de grandes œuvres. Pourtant, ces œuvres du domaine public manquent toujours un brin d’actualité (bon, notre culture commémorative en met certes un ou deux sur la table, chaque année, au gré d’un anniversaire, mais elles ont néanmoins toujours leurs 70 ans d’âge minimum). Un nouveau livre doit avoir un sens actuel. J’avais une petite idée derrière la tête. Le domaine public c’est un peu la prose de l’édition : tout le monde s’en sert sans le savoir. Ou bien sans trop vouloir le dire. Et puis ce n’est finalement pas un sujet. Mais si justement il accédait à la dignité de sujet. En France, on ne trouve pas d’ouvrage sur le domaine public. Eh bien c’était parfait, voilà la raison d’être recherchée.

On ne va pas faire les innocents : le fait que C&F éditions soit engagée dans les biens communs de la connaissance, que mon associé Hervé Le Crosnier passait ses soirées à coder le site de l’initiative Villes en biens communs, ou que les initiatives du collectif SavoirsCom1 m’intéressaient n’est pas pour rien dans ma proposition de constituer un dossier au sein de l’ouvrage, donnant la parole à ceux qui s’intéressent au domaine public. Fallait-il pour autant constituer un dossier équilibré (les « pour » et les « contre ») ? Ce n’était pas exclu, mais pas prioritaire. Il fallait d’abord s’assurer que notre petite équipe éditoriale débutante irait jusqu’au bout, et donc estimer sa « vélocité » avant de définir un périmètre plus précis en conséquence. Je n’entrerai pas dans le détail ici, c’est un semestre qu’il faudrait raconter. Au final, je vous rassure, nous n’avons pas cherché l’objectivité, mais donné la parole à ceux qui l’ont le moins ailleurs, n’étant ni société d’auteur, ni syndicat d’éditeurs : les défenseurs du domaine public.

Mais les étudiants ont participé à l’atelier d’« appropriation » du domaine public de SavoirsCom1 organisé par Silvère Mercier à la BPI à Paris, recherchant et validant avec le juriste Lionel Maurel les auteurs qui allaient entrer dans le domaine public pour le calendrier de l’avent du domaine public (vidéo ci dessous) puis rencontrer la plupart des contributeurs à leur livre lors de la journée sur le domaine public organisée fin octobre 2013 à l’assemblée nationale : ils ont pu poser des questions à la députée Isabelle Attard, pourfendeuse du copyfraud, cette pratique des musées et d’archives à revendiquer un droit sur des œuvres du domaine public.

Voilà la petite synthèse que propose la quatrième de couverture de l’ouvrage :

« Tomber dans le domaine public »… ça fait mal ? D’où vient cette conception négative et dévalorisante du domaine public ? Les artistes et les génies du passé ne valent-ils plus rien pour les lecteurs, auditeurs, spectateurs, comme pour les éditeurs et tous ceux qui vivent de la culture ? Ce n’est évidemment pas le cas. On pourrait donc définir le domaine public de façon moins négative. La période de propriété est une incitation à la production d’œuvres. Le domaine public représente l’intérêt général. Une cohabitation harmonieuse est possible, comme Jean Zay ou l’association Communia l’imaginent. Chaque année le domaine public s’agrandit, ce qui permet la redécouverte, la réédition et le partage des œuvres. Les outils numériques peuvent favoriser cette exploration de notre patrimoine commun, et la production de nouvelles œuvres s’en inspirant.

 Ce livre a été réalisé par les étudiants du Master 2 Édition et mémoire des textes de l’université de Caen Basse-Normandie. Il propose un dossier réunissant les explorateurs et défenseurs du domaine public, ainsi qu’un florilège d’œuvres et un calendrier de l’avent des auteurs qui sont entrés dans le domaine public le 1er janvier 2014. Avec : Isabelle Attard, Véronique Boukali, Communia, Patrick Frémeaux, André Gunthert, Alexis Kauffmann, Hervé Le Crosnier, Lionel Maurel, Eric Muller, Nicolas Taffin ; et des extraits d’œuvres de Guillaume Apollinaire, Camille Claudel, Maurice Denis, Henri Focillon, Alexandre Millerand, Léonard Misonne, Robert Musil, Beatrix Potter, Sergei Rachmaninov, Max Reinhardt, Oskar Schlemmer, Hans & Sophie Scholl, Victor Segalen, Vittorio Sella, Chaïm Soutine, Simone Weil…

Il y aurait beaucoup à dire sur ce petit livre incroyablement dense, illustré : outre les ateliers préparatoires, les entretiens, les étudiants on réalisé la création graphique, la sélection,la préparation des textes et images, la correction, la mise en page. Nous avons un peu pris le relais sur les dernières relectures, faute de temps, mais le contrat initial a été rempli et le livre était vraiment publiable. Chapeau aux étudiant-e-s qui ont réalisé un très beau travail et ont fait preuve de beaucoup d’implication. Les deux volets de Pages Publiques, dossier et florilège, permettent au final de regarder le domaine public avec, nous l’espérons, un regard aiguisé et curieux. Il rejoint donc le catalogue de C&F éditions (l’ouvrage a pu être édité au prix très raisonnable de 10 € grâce aux soutiens du Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie et de l’université de Caen Basse-Normandie. Pages Publiques, 128 pages, ISBN 978-2-915825-36-7). Travailler sur le financement du projet faisait partie de l’enseignement délivré aux étudiants.

Si vous voulez télécharger et lire un spécimen (copieux) de l’ouvrage, par ici : http://cfeditions.com/pages-publiques. Quant à moi, je vous propose en bonus l’interview de Lionel Maurel et Silvère Mercier réalisée le 16 octobre à la BPI, en attendant le prochain projet étudiant du Master édition de Caen, j’ai encore quelques idées ;-)

Un entretien avec Lionel Maurel et Sylvère Mercier, du collectif SavoirsCom1 (http://savoirscom1.info), filmé à l’occasion d’un atelier « Appropriation du domaine public » à la BPI (Paris) le 16 octobre 2013, dans la préparation du Calendrier de l’avent du domaine public 2014 – en ligne ici : http://www.aventdudomainepublic.org