Verdana killers

imageTandis que Matthew Carter (ici en photo à Lurs en 2002) et son Verdana sont nominés pour le prix du design britannique qui a marqué les vingt dernières années (!) par le concours new designer 05 (il ne semble pas parti pour gagner, mais il est amusant de voir que Tim Berners-Lee est également nominé pour rien de moins que le World Wide Web !) ; on apprend que Microsoft offrira avec son prochain système un nouveau lot de polices très orienté vers la lecture à l’écran.

Ce lot de Verdana « killers » constitue-t-il une nouvelle heureuse initiative ? Comme le fut celle de la commande par Microsoft du Verdana à Matthew Carter (qui émancipa tout le monde du Times et de l’Arial) ? Pas si sûr, car le contexte a vraiment changé quand chacun se réjouit de voir Firefox enlever des parts de marché à Internet Explorer y compris sous Windows, que les macintosh ne sont plus livrés avec Internet Explorer de Microsoft et que la communauté des utilisateurs de Linux se consolide. Les typographes, hommes et femmes de commande, ne devraient-ils pas plutôt s’attacher à doter la fondation Mozilla ou le W3C, c’est à dire tout le monde, sur tous les continents, d’un set complet de polices écran universelles et de qualité ? (…) Cela ressemble bien plutôt à une offensive pour renforcer, via ClearType, le monopole de la Maison bleue. Influencer les webdesigners et éditeurs électroniques pour qu’ils spécifient dans leurs publications l’usage d’une police certes réussie mais absolument orientée vers Windows peut se révéler dangereux. Car Verdana était distribué gratuitement à TOUS (y compris Linux-users). Nous avions invité Matthew Carter à Lure pour en parler. Mais depuis, cette Verdana-là est morte.

Car c’est semble-t-il aujourd’hui la seconde phase d’un plan de réaction qui a commencé quand Microsoft a retiré Verdana et Georgia du téléchargement gratuit. Ils le firent quand ils réalisèrent que les utilisateurs de Mac n’utilisaient plus ie et que les utilisateurs de Linux avaient adapté Verdana et Georgia à leur plate forme. Bref, sans doute une tentative de « couper » du web – de rendre moins compatibles – les solutions alternatives. En ce sens le cahier des charges est tout à fait différent. Verdana dotait le web d’un nécessaire regain de lisibilité pour tous, Calibri, Cambria, Candara, Constantia, etc. vont plutôt (si elles ont du succès auprès des designers) diviser le monde documentaire en deux.

Microsoft se rapproche ainsi d’une communauté de designers. Mais la nouvelle génération n’a pas signé le même contrat que l’ancienne, ou du moins ce dernier n’aura pas le même impact (il sagit de Lucas de Groot, John Hudson, Jelle Bosma, Gary Munch, Jeremy Tankard et Eiichi Kono). Il faut toujours faire attention aux intentions réelles de son commanditaire. Évidemment, la qualité des typographies n’est pas ici en question.

Alors, chers typographes, hommes et femmes de commande, quand est-ce que vous dotterez la fondation Mozilla ou le W3C d’un set complet de polices écran universelles et de qualité ? Trop de travail ? Pourtant les développeurs de Linux (système), Mozilla (browser), OpenOffice (suite bureautique), Scribus et Latex (PAO), Gimp (image), etc. travaillent aussi vraiment dur et sont en passe de livrer un environnemment complet, opérationnel, et ouvert auquel il ne manquera… que la lisibilité et la qualité typographique ! On peut dire qu’il est toujours facile de donner des leçons, mais pourquoi ne pas plutôt prendre le temps de mesurer les enjeux et de réfléchir aux moyens (y compris financiers) de réaliser un vrai projet coordonné (car il ne s’agit pas de la simple question de la gratuité – les polices gratuites existent déjà – ni d’une approche individuelle) ?

Des liens http://www.typographe.com/article/398/futures-incontournables http://www.poynter.org/column.asp?id=47&aid=78683 http://www.microsoft.com/typography/links/news.aspx?NID=4916 http://www.microsoft.com/resources/design/ClearType.html

images + un extrait du « cahier des charges »
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